Sirkka-Liisa Konttinen: Kendal Street, Byker, Newcastle Upon Tyne, England (1969)
Het kost veel werk en middelen om ze overeind te houden d.m.v. controle en repressie. De brave, hardwerkende, burgerlijke klasse is haar daar zeer dankbaar voor, temeer omdat ze de lasten nauwelijks zelf hoeft te dragen. Uiteindelijk bepalen zij ook hoe de samenleving hoort te marcheren en hoe ze ingericht wordt. Gelijke rechten? In het stemhokje en verder mondje dicht en zeker niet in het verzet komen als het niet bevalt.
Crise économique, crise de la démocratie
LA RÉPRESSION DANS LES PAYS CAPITALISTES AVANCÉS
James F. Petras
L’idée a été longtemps admise, dans les milieux de gauche et même d’extrême gauche, que, hormis l’éventualité d’une crise économique et d’un affrontement de classes majeurs, la coercition physique et la répression exercée par l’Etat policier dans les pays capitalistes avancés n’étaient que des phénomènes purement épisodiques dus à l’influence des caractéristiques propres de certaines personnalités, ou à des débordements bureaucratiques. L’hégémonie idéologique et la manipulation de l’appareil idéologique et politique étaient censées constituer la « norme » dans les démocraties capitalistes 1, la violence politique et les actes illégaux ou « extra-légaux » des autorités relevant des « régimes d’exception ».
Depuis quelque temps, un nombre considérable d’informations viennent démentir ces hypothèses 2. Derrière le rituel des élections et des débats publics, un vaste réseau de services officiels est impliqué à longueur d’année dans la violation des droits démocratiques des citoyens, des partis et des mouvements exerçant des activités politiques légales.
Conçues de manière bureaucratise et à grande échelle, exécutées clandestinement et visant des objectifs à long terme, les activités de l’Etat policier font désormais partie de la routine de la vie politique dans les pays capitalistes, notamment aux Etats-Unis. La distinction entre les activités politiques relativement bien établies et les mouvements « subversifs » marginaux ou peu organisés tend ainsi à s’estomper, quant à leur aptitude à être pris, comme cibles de l’action des services de surveillance et d’espionnage (l’affaire du Watergate en est un exemple).
Quand, il y a trois ans, je demandais à obtenir communication de mon dossier politique, en application de la loi sur la liberté de l’information, mon avocat écrivit au moins à dix-huit agences du gouvernement américain pour obtenir ces renseignements : services secrets, département d’Etat, F.B.I. Certaines répondirent qu’elles ne détenaient pas de dossier à mon sujet. D’autres envoyèrent des renseignements restreints. La masse des informations provint du F.B.I. et de la C.I.A., la plupart des documents étant censurés pour raison de « sécurité nationale ».
Ces deux derniers organismes, constituent, avec les services de renseignement de l’armée, l’Agence de renseignement de la défense nationale, l’Agence de sécurité nationale, la direction des impôts, les chambres d’accusation et des douzaines d’organismes politiques locaux (le Chicago Red Squad a admis qu’il détenait près de deux cent mille dossiers), la panoplie des agences de renseignement parallèles (et faisant parfois double emploi) impliquées dans la répression de l’activité politique. L’importance des efforts consacrés par ces agences à la répression politique (par opposition à la lutte contre le crime organisé) a été révélée par une étude qui démontre qu’à 40 % le temps d’une unité moyenne du F.B.I. est absorbé par des tâches de surveillance politique 3.
La croissance de l’appareil policier aux Etats-Unis s’est accompagnée d’une prolifération de ses activités, stimulée par le développement des techniques informatiques. En 1968, seuls dix Etats sur quarante-neuf disposaient d’un système de renseignement automatisé ; en 1972, quarante-sept Etats en étalent pourvus, tous ces systèmes étant connectés avec le système central du F.B.I. 4. En outre, les organismes existants se politisent de plus en plus : la Commission de la fonction publique a répertorié des centaines de milliers de noms de personnes considérées comme de gauche ; le Bureau des narcotiques combine un rôle politique (provocation) avec sa tache officielle ; le Bureau des passeports détient des listes politiques ; la Division des renseignements des postes contrôle tout courrier politique ; le ministère de la Justice, enfin, accumule d’épais dossiers sur les contestataires, quels qu’ils soient. Le F.B.I. disposerait, rien qu’à Washington, de plus de cinq cent mille dossiers de renseignements portant sur des groupes ou des individus présents aux Etats-Unis 5.
Les activités de l’Etat policier ont pour but exprès de « dénoncer, démanteler, détourner, discréditer et en tout cas neutraliser » 6 toute opposition politique, qu’elle provienne des Noirs, de la gauche en général, ou de tout groupe qui a pu encourir l’épithète de « subversif ». Ces activités ont effectivement affaibli la capacité des individus (Noirs, étudiants…) à exercer leurs droits démocratiques dans la poursuite de leurs objectifs politiques et sociaux. Ainsi est-il possible, sans abroger aucune des lois existantes, d’empêcher l’opposition d’exercer effectivement ses droits civiques.
Les cibles principales de l’appareil répressif de l’Etat sont les minorités ethniques, les femmes, les mouvements pour la paix et les étudiants. Le F.B.I. consacre 95 % de son temps à harceler la gauche 7.
En Allemagne de l’Ouest, la politique du « Berufsverbot » (interdictions professionnelles) tend à punir toute activité de protestation présente et passée, afin de prévenir toute opposition future. Elle se traduit par le « non recrutement, le licenciement, le refus de titularisation (et autres mesures disciplinaires frappant les fonctionnaires de tous niveaux dont le loyalisme est considéré comme douteux). Ce doute est généralement fondé sur un comportement présumé qui est parfaitement légal » 8. En vertu de cette législation, au moins quatre mille personnes ont perdu leur emploi, et un nombre encore plus élevé de libraires, d’éditeurs ou de parents ont fait l’objet de tentatives d’intimidation qui ont conduit même les sociaux-démocrates européens les plus modérés à manifester leur indignation. Parmi les professions les plus touchées, on compte les professions libérales, les enseignants, les travailleurs sociaux et les avocats… Le S.P.D.., (parti, social-démocrate allemand) courtise désormais l’électorat de droite, après avoir détruit par la cooptation au sein des comités du parti et par la répression toute solution de rechange organisée à gauche. En l’absence d’un mouvement de masse à gauche capable d’intervenir, de manière organisée et cohérente, en faveur de la défense des libertés démocratiques, la surenchère se donne libre cours entre les deux principaux partis pour obtenir le soutien de la droite sur la base d’une politique de répression.
Le poids de l’intervention de l’Etat s’est fait sentir aussi bien sur les mouvements politiques déclinants que sur ceux qui prenaient leur essor. L’utilisation de « plombiers » (aux Etats-Unis) ou d’articles constitutionnels (l’article 18 en Allemagne de l’Ouest) reflète la différence des contextes politiques au sein desquels les mesures autoritaires sont prises. Aux Etats-Unis, pendant les années 60 et au début des années 70, un vaste mouvement de protestation rassemble des millions de citoyens, incluant des politiciens de Washington comme des G.I. de Saïgon. L’utilisation, à l’époque, de moyens législatifs pour briser ce mouvement aurait signifié la fin de l’image de marque démocratique derrière laquelle l’Etat policier cachait ses premiers pas. La dénonciation de l’Etat policier et les révélations qui s’ensuivirent sur ses activités illustrèrent le conflit et les luttes qui peuvent surgir entre l’appareil démocratique et celui de l’Etat policier quand une force populaire se manifeste activement et agressivement.
La doctrine de la sécurité nationale
Malgré une tendance constante à l’érosion des droits démocratiques au sein des pays capitalistes avancés. Il existe dans ces pays un besoin non moins constant de renouveler les croyances qui soutiennent l’ordre politique existant 9. La base idéologique de la domination de la classe capitaliste en Occident est liée à la notion de démocratie, ainsi qu’à l’élection et au contrôle par les citoyens de leurs représentants politiques. Sans hégémonie idéologique 10, la société serait confrontée à l’alternative hobbésienne : guerre civile destructrice ou dictature coercitive et coûteuse. Le danger, cependant, pour la classe capitaliste et ses Institutions ancillaires (armée et police) est que cette structure « idéologique » devient sans cesse la base d’un défi aux prérogatives du capital. D’où la recherche constante d’autres armes idéologiques susceptibles de limiter l’application effective des droits démocratiques et de créer des liens de cohésion interne qui coupent au travers de la structure de classes.
Depuis l’époque où les Etats-Unis commencèrent à s’opposer de par le monde aux révolutions sociales et nationales (à la fin des années 40), la raison la plus souvent invoquée pour justifier la répression intérieure et extérieure fut la doctrine de la sécurité nationale 11. Ce terme en soi est un euphémisme pour décrire la répression de classe. La doctrine consistait à exploiter les loyalismes ultra-nationalistes et les sentiments d’insécurité personnelle et politique : ainsi les problèmes de classe exploitation, chômage, racisme, sexisme, etc. disparaissaient dans un système de pensée légitimant l’ordre social existant et voulant que le problème fondamental, soit celui du renforcement de l’appareil d’Etat contre l’« agression des Etats étrangers ».
Tous ceux qui défiaient l’ordre social et l’Etat devenaient ainsi par définition des « agents des puissances étrangères », ou encore dans le langage bureaucratique, « des menaces pour la sécurité nationale ». L’imagerie, aussi bien que la doctrine elle-même, créait la Justification de la répression : les autorités répressives et leurs « partisans » étaient décrits comme des « patriotes » et les « défenseurs » d’une notion abstraite de la loi et de l’ordre (même s’ils violaient eux-mêmes cette loi), tandis que leurs adversaires étaient qualifiés de xénophiles sympathisant secrètement avec des terroristes sans foi ni loi.
Répression internationale, luttes de classes et conflits nationaux
Le trait principal de l’économie mondiale capitaliste aujourd’hui est le caractère permanent de la crise, révélé par un chômage massif et chronique et par la montée des taux d’inflation 12. Récession et inflation sont utilisées par l’Etat capitaliste pour justifier des politiques de limitation des salaires et de rationalisation du procès de travail (licenciements, intensification de l’exploitation).
L’impact inégal de la crise capitaliste a suscité une répression sélective à l’encontre des groupes et des segments de la classe ouvrière les plus touchés. En Allemagne et aux Etats-Unis, contrôles, descentes de police et expulsions, visent systématiquement les travailleurs dits « étrangers » 13 ; en Italie, la police harcèle les jeunes chômeurs sous prétexte de lutter contre le « terrorisme ». Les mesures autoritaires frappant ces catégories de travailleurs sont les premières offensives par lesquelles l’Etat capitaliste tente d’affaiblir le pouvoir collectif de la classe ouvrière et de restaurer la capacité du capital à sortir de sa crise d’accumulation.
Dans sa fonction répressive à rencontre de certains secteurs de la classe ouvrière, l’appareil policier de l’Etat a été grandement aidé par certains mouvements syndicaux. Aux Etats-Unis, la direction de l’A.F.L.-C.I.O. a sapé sans relâche les bases d’un mouvement ouvrier unifié en concentrant son action sur des problèmes de travail restreints et sur des questions de salaires, et en collaborant ouvertement avec la politique étrangère de l’Etat impérialiste par ses prises de position « protectionnistes » empreintes d’un chauvinisme profond à l’égard des travailleurs des autres pays. Chacune de ces prises de position a eu un effet en retour appréciable : le soutien accordé aux dictatures anticommunistes à l’étranger a facilité l’exode des capitaux américains vers les pays a main-d’œuvre captive ; la campagne contre les travailleurs en situation irrégulière a contraint ceux-ci à accepter des salaires plus faibles, favorisant ainsi une pression à la baisse des salaires en général ; l’incapacité à se battre pour autre chose que des contrats salariaux spécifiques a entraîné la détérioration des services sociaux et du soutien de l’opinion publique aux travailleurs. Le résultat final est qu’il est de plus en plus difficile d’organiser les travailleurs américains : la part des ouvriers syndiqués dans le total de la force de travail est passée de 40 % dans les années 40 à 20 % en 1978.
Traditionnellement les politiques conduites par les bureaucraties syndicales en Europe n’ont pas été aussi conservatrices ni aussi indulgentes à l’égard du capital qu’aux Etats-Unis, mais il semble bien que la même évolution s’y fasse jour. Confrontées à la récession, les directions des partis sociaux-démocrates et même communistes ont déjà, dans certains cas, été amenées à accepter la politique de licenciement, de blocage et de baisse des salaires.
Les sociaux-démocrates allemands ont soutenu l’expulsion de cinq cent mille travailleurs étrangers comme moyen d’amortir les effets de la crise économique : une politique semblable est pratiquée en Suisse ; en France, la tendance est de plus en plus à des restrictions. La politique de mise en chômage des Jeunes et des étudiants en Italie, et en Europe, en général, reste ignorée des partis « de gauche », et le soutien qu’ils accordent aux nouvelles lois répressives destinées à prévenir les manifestations des victimes du sous-emploi et du chômage en dit long sur le resserrement des liens entre les bureaucraties coupées des masses et l’Etat capitaliste. L’attitude qui consiste à brader les intérêts d’une partie de la classe ouvrière pour protéger ceux d’une autre partie (les travailleurs nationaux adultes pourvus d’un emploi contre les travailleurs étrangers, les jeunes et les chômeurs) crée les conditions d’une escalade de la répression. L’Etat capitaliste, qui utilise la législation répressive et « antiterroriste » contre une partie de la classe ouvrière aujourd’hui, pourra l’utiliser demain contre l’autre, en fonction de l’aggravation éventuelle de la crise économique et de la capacité des travailleurs à déclencher une contre-offensive de masse pour la défense des libertés démocratiques.
L’aggravation de la concurrence entre pays capitalistes, la crise énergétique, l’accumulation impressionnante des excédents de capacité dans les Industries de base à l’échelle mondiale, ont exacerbé les difficultés de la reproduction du capital : la rivalité pour conquérir les marchés et les ressources oblige chaque classe capitaliste à redoubler d’efforts pour comprimer les coûts salariaux afin de tenter d’obtenir des avantages marginaux. Le rôle de l’Etat capitaliste devient de plus en plus décisif dans la définition des conditions d’une poursuite de l’expansion. Là où la bureaucratie ouvrière peut être cooptée et quand elle est en mesure de conserver la direction de la majorité des travailleurs, la législation répressive est dirigée contre les « outsiders » : syndicats dissidents, prétendument « extrémistes », minorités nationales, etc. Là où la cooptation ne peut se faire et quand la bureaucratie perd le contrôle de ses militants, l’appareil de sécurité nationale entrera en action avec sa panoplie répressive.
Quand s’ouvre ainsi une période de crise aigüe des régimes politiques démocratiques, les structures formelles de la démocratie peuvent se maintenir, certes, mais le contenu et la substance du système politique seront plus en plus modelés par l’appareil bureaucratique, à moins qu’un mouvement démocratique de masse n’impose le lien entre les problèmes de la répression socio-économique et ceux de la répression politique 14. Une condition préalable en serait la démystification de la doctrine de la sécurité nationale, la dénonciation de sa vraie nature d’outil de répression de classe à l’intérieur et à l’étranger. Une contre-offensive des forces populaires démocratiques devrait rejeter les appels à une « mobilisation derrière un Etat fort » comme ceux que l’on entend en Italie et que l’on entendra sans doute bientôt dans les pays où s’il n’existe pas de terroristes, il faudra en inventer. Le combat pour des droits démocratiques devrait plutôt être associé à une défense claire et énergique des droits spécifiques de la classe ouvrière, en particulier des secteurs de celle-ci qui ont été le plus durement touchés pour l’instant : chômeurs, jeunes, minorités nationales et travailleurs immigrés.
VOETNOTEN
1. Cf. Nicos Poulantzas : Pouvoir politique et classe sociale, maspero, Paris, 1971, deux tomes de 200 pages, 14 F chaque volume.
2. Parmi les nombreux témoignages et études sur l’Etat policier, on retiendra : Morton Halperin et al., The Lawless State : the crimes of the U.S, Intelligence Agencies (Penguin, New york, 1977) ; Center for Research on Criminal Justice, The Iron fist and the Velvet Glove (1975) ; David Wise, The American Police State (Vintage Books, New-York, 1976). Pour une analyse historique des relations entre la loi et le développement du capitalisme cf ; Mickael Tiger et Madeleine Levy : Law and the rise of capitalism (Monthly Review Press, new-York, 1976.)
3. Center for Research on Criminal Justice, opus cit., chapitre 8.
4. Ibid.
5. Halperin, opus cit., page 121.
6. Center for Research on Criminal Justice, opus cit., chapitre 8.
7. Ibid.
8. Martin Oppenheimer, The criminalisation of Political Dissent in the Federal Republic of Germany, Contemporary Crises, automne 1977, p.7.
9. Sur l’histoire de la répression politique, cf. Alan Wolfe, The Seamy side of Democracy, (David Mac Kay, New-York, 1973) et The Limits of legitimacy : Political Contradictions of Contemporary Capitalism, (Free Press, New-York, 1977.
10. Michael Parenti, Power and the Powerless (St-Martin’s Press, New-York, 1978), chapitre 7. Voir aussi, dans le Monde diplomatique de juillet 1978, l’article de Gintis et Bowles sur : « Capitalisme et démocratie ».
11. Halperin (op. cité., chapitre 7), analyse le fonctionnement de la très secrète Agence de sécurité nationale qui fut l’incarnation de cette doctrine.
12. Paul Sweezy, « The Present Global Crisis of Capitalism », Monthly Review, avril 1978, pages 1-3.
13. Sur l’exploitation et la répression des travailleurs immigrés en Europe, cf ; Kosack et Castle Immigrant workers’class struggle in western Europe, Oxford University Press, Londres, 1973. Pour les Etats-Unis cf. NACLA, n°8 de novembre-décembre 1977, où est étudiée la pratique de l’embauche temporaire dans l’agriculture américaine.
14. Sur la notion de répression économique, cf. Michel Chossudowsky, Capital Accumulation in Chile and Latin america, faculté des sciences sociales, université d’Ottawa, pp 1 passim, et Patricia Weiss Fagen, « The links beetwen human rights and basic needs », dans Background, Center for International Policy, printemps 1978.
AUTEUR
James F. Petras – Professeur de sociologie à l’université de l’Etat de New-York, Binghamton.
BRON
Le Monde diplomatique – augustus 1978
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