De analyse van HUBERT VÉDRINE

Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères français.
Hans Lucas via AFP




Aan de vooravond van de verkiezingen in de USA. Trump of Biden?
 


 
 

ON S’APERCEVRA QUE C’EST TOUJOURS LA MÊME AMÉRIQUE

Quel que soit le vainqueur, Donald Trump ou Joe Biden, les États-Unis continueront de prendre le monde en otage. Cela doit cesser, estime l’ancien chef de la diplomatie française.
 

Alain Rebetez

 

Hubert Védrine constate d’énormes différences de personnalité entre Joe Biden et Donald Trump, mais il relativise l’impact du résultat sur le plan international.
AFP

Les résultats sont très serrés et pour l’instant incertains, comment réagissez-vous?
 
Nous savons tous qu’il y avait trois hypothèses: Trump, Biden ou le chaos. On va se noyer dans les péripéties ces prochains jours, mais il faut dépasser une sorte d’hystérisation européenne sur les élections américaines et se demander: quel est l’impact pour nous?
 
Alors justement, cet impact, en quoi change-t-il si c’est Trump ou Biden?
 
Je ne sous-estime pas l’importance de cette élection. Si Trump est réélu, il y aura des conséquences énormes pour les Américains: le Parti démocrate pourrait exploser et les activistes qui dirigent les différentes minorités essayer de liquider l’héritage centriste. Des pays comme la Pologne, Israël, l’Arabie saoudite ou encore Taïwan seront enchantés. D’autres plongés dans une énorme déprime. Si c’est Biden, il y aura un certain enthousiasme avec le retour des États-Unis dans les Accords de Paris, sur l’Iran, l’OMS, l’OMC. Mais après on s’apercevra que c’est toujours la même Amérique, celle des sanctions extraterritoriales (ndlr: qui permettent d’imposer unilatéralement le droit américain au reste du monde). Ça nous renvoie à la responsabilité des Européens, or beaucoup de pays continuent de penser que l’Europe ne peut pas devenir une puissance.
 
À vous entendre, il n’y aurait pas de différences fondamentales entre les deux candidats?
 
Il y a des différences énormes de personnalité. Trump a des côtés effrayants, révulsifs, avec ses déclarations insensées ou sa manière d’exciter les clivages américains plutôt que de les apaiser. Mais sur le plan international, ça ne changera pas énormément. L’Amérique n’a jamais été complètement multilatéraliste. Clinton disait: «Si on a un problème on essaie de le régler avec nos amis alliés, si ça ne marche pas on le règle tout seul.»

«On traite le populisme comme si c’était une guerre de religion: on les excommunie, on jette sur eux l’eau bénite, on pense qu’elle va les dissoudre comme des vampires.»

Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères

Ce résultat très serré montre aussi que le populisme résiste.
 
Ce qu’on appelle le populisme, à mon avis, c’est le fait que les classes populaires et moyennes ont fini par se dire: «La mondialisation, ce n’est pas bon pour nous.» Ça donne l’élection de Trump, peut-être sa réélection. Ça donne le Brexit. Comme les gens qui dirigent l’Europe ne veulent pas voir que c’est une interpellation de fond sur un mode d’intégration qui est allé trop loin, ils font comme si c’était une guerre de religion: on excommunie les populistes, on jette sur eux l’eau bénite de l’universalisme et la solidarité. On pense qu’elle va les dissoudre comme des vampires. Or il faudrait une réponse réaliste et réfléchie en réintroduisant une vraie dose de subsidiarité. Dire aux gens: on a compris, l’Europe n’est pas une machine à piquer votre souveraineté, c’est une valeur ajoutée pour traiter au niveau européen ce qu’on ne peut pas faire en dessous.

«Les Européens sont dans leur bulle, ce sont des Bisounours dans un monde qui est Jurassic Park.»

Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères

Le défi chinois sera la priorité du prochain président américain. Quelle doit être la position de l’Europe?
 
Le risque pour l’Europe et ses entreprises, ce serait que les États-Unis et la Chine leur imposent de choisir. Nous avons énormément d’entreprises qui ne peuvent se passer ni des technologies américaines ni des marchés chinois. S’il faut choisir, ça va devenir très compliqué. Dans l’idéal, une Europe puissance se ferait respecter par les États-Unis, mais aussi par les Chinois, par Poutine, Erdogan ou les GAFA… On voit bien qu’on n’en est pas là. Les Européens sont dans leur bulle, ce sont des Bisounours dans un monde qui est Jurassic Park. Mme Merkel l’avait dit après sa première rencontre avec Trump: choquée, épouvantée, elle avait conclu qu’on ne pouvait plus compter sur les États-Unis et qu’il faudrait mieux s’organiser entre nous. Ça n’a pas déclenché une réaction en Europe. De même avec les tentatives de Macron pour faire bouger les choses. C’est un problème de déclic mental. Il faut que les Européens comprennent qu’ils doivent s’organiser comme une puissance qui se fait respecter.
 
Mais comment cette Union européenne affaiblie par le Brexit peut-elle devenir une Europe puissance?
 
Il faut un rapport de force et donc je pense que l’Europe doit se doter d’un système de sanctions extraterritoriales. Pas pour l’utiliser mais pour discuter sérieusement avec les Américains. Les sénateurs US n’arrêtent pas de lancer des sanctions, ça ne date pas de Trump, de bien avant. L’Europe doit dire: «Ça suffit! Nous voulons rétablir une relation transatlantique saine, nous proposons que vous arrêtiez les sanctions extraterritoriales, sinon, à notre grand regret, on va devoir faire la même chose.»
 
L’Europe peut-elle se faire respecter sans une force militaire?
Il ne faut pas espérer cela. Là-dessus, je suis hyperréaliste. Autant je crois que l’Europe peut avancer sur un terrain économique, technologique, corriger les chaînes de valeur, être moins dépendante de l’extérieur, autant sur le plan militaire il est évident que les Européens ne croient que dans la protection américaine. Même si tous les pays mettaient l’argent nécessaire, comment créer une seule armée? Qui la commanderait? Qui donnerait les ordres au commandant? Un Conseil des ministres, avec trois semaines pour la moindre décision? Quand je parle de se faire respecter, je pense aux autres domaines.
 


BRON
24 heures – 4 november 2020



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