Het einde van een imperium in zicht?

Emmanuel Todd




Staan we aan de vooravond van een revolutie, een socialistische? Wil ze kans van slagen maken zal ze uit de Verenigde Staten moeten komen. Daar is echter tot in alle poriën van de maatschappij het kapitalistische gif zover doorgedrongen dat uit eigener beweging de bevolking niet in verzet zal komen tegen het heersende systeem. Via een omweg, door teloorgang van het imperium? Dat zou kunnen als alle volkeren onafhankelijk en vrij konden beslissen over hun territorium en hun grondstoffen, handel gevoerd zou worden onder de vorm van gelijkwaardigheid. Stel je dat eens voor, in een klap zou Afrika een beslissende stem krijgen in het wereldgebeuren, economisch, politiek en militair. Dan gloort er hoop voor de wereld buiten de USA en kunnen we streven naar een rechtvaardigere wereld.
 
De weg naar andere wereld zou ingeleid kunnen worden door elke vorm van expansie onmogelijk te maken en het zelfbeschikkingsrecht te laten primeren. De wereldkaart zal er in een mum van tijd anders uit te komen zien als dit recht werkelijk door te zetten zou zijn. Landen als Zweden en Noorwegen zouden gehalveerd worden, de Verenigde staten werd een lappendeken van staatjes. Een wensdroom? “Ja”, zei Brecht, “die Verhältnisse sind nicht so”. De kapitalistische dus. Wat dan, wat ligt in onze macht? In ieder geval in woord en daad ons te weer stellen tegen uitbuiting en het gebruik van geweld. De spiraal van groei op economisch en militair terrein doorbreken en ongedaan maken, denk aan het transportsysteem. Bezitsvorming aan banden leggen.
 
Blijft de vraag, slepen de Verenigde Staten de wereld mee in hun val die onontkoombaar zal blijken te zijn?
 


 
 

“SI LA RUSSIE TIENT EN UKRAINE, LE SYSTÈME IMPÉRIAL DES ÉTATS-UNIS S’EFFONDRE”

Le défi russe conclut trente ans de déclin américain, constate Emmanuel Todd. La prise américaine sur le monde est immatérielle. L’Amérique règne par le dollar et par son système financier, par l’Internet et par la langue anglaise. Par l’habitude aussi.

Emmanuel Todd

 
John Mearsheimer (né en 1947), géopoliticien américain de l’école réaliste (les États sont des monstres froids dans un monde de rapports de force), avait choqué l’Occident en jugeant dès février les États-Unis responsables de la guerre russo-ukrainienne. Selon lui, la prise en main de l’armée de Kiev par les militaires américains et britanniques avait fait de l’Ukraine un membre de facto de l’Otan. L’invasion russe était défensive. Il ajoutait qu’une victoire de Moscou était certaine parce que l’Ukraine était pour la Russie « existentielle » et que toute difficulté l’amènerait à taper plus fort. Selon cette logique, l’Ukraine serait pour les États-Unis sacrifiable. Mais Mearsheimer ne voit pas que la guerre est existentielle pour les États-Unis aussi : si la Russie tient, leur système impérial s’effondre.
 
Prenons du recul. Le défi russe conclut trente ans d’un déclin américain constaté dans mon Après l’empire (2002). Depuis, la tendance s’est affirmée : retrait d’Afghanistan et d’Irak, défection de l’Arabie saoudite, montée en puissance de l’Iran, poussée chinoise globale. L’industrie américaine est passée de 17,8 millions de travailleurs en 1990 à 12,8 en 2019, pour une population gonflant de 250 à 330 millions. En 2020, la Chine produit 29 % des machines-outils, l’Allemagne 15 %, le Japon 14 %, l’Italie 8 %, les États-Unis 7 %. Ces derniers trouvent leurs semi-conducteurs avancés à Taïwan (90 %) et en Corée (10 %). Les États-Unis réémergent dans les hydrocarbures. Mais comme exportateurs nets, ils ne sont que troisièmes pour le gaz et insignifiants pour le pétrole.
 
La prise américaine sur le monde est immatérielle. Robert Reich opposait, dans The Work of Nations (1992), les travailleurs anciens aux « manipulateurs de symboles » modernes. Effectivement, l’Amérique tient le monde par des symboles. Son armée même est symbole. Avant la guerre, les États-Unis avaient 65 000 hommes en Europe (dont 36 000 en Allemagne), 90 000 en Asie et 10 000 ailleurs. Donc 165 000 hors de leur territoire, moins encore que la Russie n’en a lâchés sur l’Ukraine. Constater les faiblesses de la Russie nous ramène ici à celles des États-Unis. En Ukraine, les chars russes, vulnérables aux missiles Javelin, sont périmés ; sur toutes les mers, les porte-avions américains, vulnérables aux missiles hypersoniques, sont périmés. Les États-Unis, manquant d’ingénieurs et d’ouvriers qualifiés, peinent à renouveler les armes envoyées en Ukraine (CNN, Wall Street Journal résumé par l’agence Tass de Moscou, Global Times de Pékin). Ils vendent à l’Australie des sous-marins qu’ils ne peuvent pas construire et à la plupart de leurs alliés des F-35 qui volent mal. L’Amérique règne par le dollar et par son système financier, par l’Internet et par la langue anglaise. Par l’habitude aussi.
 
Si la Russie survit aux sanctions, avec l’aide de la Chine, de l’Inde, de l’Iran et de l’Arabie saoudite (chiites et sunnites crient vengeance pour les morts de l’Irak), elle aura brisé le contrôle américain, dont le symbole central est le dollar. Poutine veut démontrer que la monnaie du monde n’est plus le dollar, mais l’énergie. La monnaie russe, c’est le gaz ; la monnaie saoudienne, le pétrole. Après l’étalon-or, l’étalon-gaz/pétrole. La régulation des flux par l’Opep+ est la nouvelle politique monétaire mondiale (inflationniste). Elle échappe à la FED, et la Maison-Blanche enrage. La guerre est bien existentielle pour les États-Unis. Avec 1 000 milliards de dollars de déficit sur les échanges de biens (l’aide militaire à l’Ukraine, à l’heure où j’écris, est de 18 milliards), ils dépendent pour leur niveau de vie du tribut payé par le monde.
 
S’ils cèdent, leurs revenus plongeront et leur démocratie avec. L’Otan, leur instrument, ira donc jusqu’au bout. Nous le savons par ces envois d’armes qui vident leurs stocks et plus encore par l’attentat contre ces gazoducs de la Baltique qui obsédaient Washington. Pour cet événement historique majeur, je vais traiter l’absence de données comme je le fis lorsque j’anticipai la chute de l’URSS (la Chute finale, 1976). Je ne changerai pas d’avis en fonction du résultat de l’« enquête » de l’Otan. En historien, logique et raisonnable, je considère que le sabotage vient de l’Otan (États-Unis, Royaume-Uni, Pologne) et a été mené contre l’un de ses membres (Allemagne). Stupéfaction, désarroi, déni… L’Allemagne, de puissance européenne, redevient protectorat apeuré. La fuite en avant de l’Otan a commencé. L’Amérique, engagée par légèreté dans une guerre existentielle, devra aller jusqu’au bout. Je suis sûr que la hausse du rouble, depuis février, a fait comprendre à Mearsheimer son erreur.

 


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BRON
Marianne26 oktober 2022


 

 

Uitgelichte foto: SIPA

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