Bewaken en straffen

Chicago


 

Jet Lambda

 
clockworkRudy mon pote, t’as pas fini de morfler !

Les jeunes délinquants britanniques vont semble-t-il continuer à bénéficier d’un régime très spécial de la part du gouvernement travailliste de Sa Majesté. Là-bas, comme à Paris, la délinquance juvénile est un sujet qui devient régulièrement le théâtre d’expérimentations nauséabondes. Mais l’équipe de Gordon Brown gagne des point sur la Sarko Team. Après le « passeport à points » — qui conditionne l’octroi de la nationalité britannique à un « bon comportement », comme d’éviter de manifester… contre la guerre — voilà que se renforce outre-Manche un programme de « rééducation » de familles entières sous prétexte de «s’attaquer aux comportements anti-sociaux» des ados (« Tackling anti-social behaviour and its causes », éructe le slogan gouvernemental). Visite aux frontières de Clockwork Orange et de 1984.

D’abord, une rectification s’impose. Le tabloid Sunday Express a interprêté avec précipitation une annonce conjointe des ministères de l’Intérieur, de l’Enfance et de la Justice, le 22 juillet. Il serait question, selon le tabloid, d’un «plan de £400 millions visant à placer 20.000 familles à problèmes sous la supervision de caméras vidéo, 24h/24, dans leur propre maison». «Elles seront surveillées afin de s’assurer que les enfants vont bien à l’école, se couchent à l’heure et s’alimentent correctement. Des agents privés de sécurité effectueront des vérifications à domicile et les parents seront aidés à combattre la drogue et l’alcoolisme.»

Tout cela est bien exagéré, mais le programme en question — The Youth Crime Action Plan (YCAP), doté l’an dernier d’une coquette enveloppe de £100 millions, soit à peu près €150 millions — existe bel et bien. Le ministère de l’Intérieur (Home Office) reconnait qu’il a déjà «pris en charge 2.300 familles afin de modifier leur comportement» (sic). L’objectif d’atteindre 20.000 familles «prises en charge» d’ici 2 ans est également bien réel, tout comme le fait de quadrupler le budget pour culminer à 400 millions. En revanche, le recours, au domicile des familles, à la surveillance vidéo en circuit fermé (closed-circuit CTV en version originale) n’est pas du tout envisagé à cette échelle — on respire? Pas vraiment, car il existe déjà des sortes de prisons familiales (espaces de vie étroitements surveillés) qu’il serait si simple de placer sous contrôle vidéo.

Selon un témoignage difficile à vérifier pour l’instant (cf l’article de Wired), il existerait actuellement en Grande-Bretagne cinq ou six « unités » qui hébergent des familles entières pour mieux parfaire leur rééducation comportementale. Aucune surveillance vidéo ne serait disposée à l’intérieur, mais on imagine qu’il y en a déjà à l’extérieur. Ces « unités » ressemblent à des CEF, les nouveaux « centres éducatifs fermés » créés récemment en France — des prisons pour mineurs, pour faire court. Sauf que nos cousins anglais ont élargi le concept en transformant en rats de laboratoire papa, maman et les frères et soeurs en même temps… Imaginez les caméras de TF1 et de M6 autorisées à filmer des enquêtes exclusives » ou des « confessions intimes » dans de tels studios. Endemol doit en saliver d’avance…

Ce merveilleux plan de rééducation sociale a même ses « brigades », les YOT (Young Offending Teams), qui mélangent services de police, de probation et d’action sociale. Le tout pour constituer un plan à la fois proche de la « police de la pensée » si chère à George Orwell et des centres de désintoxication à la violence imaginés par Kubrick [ou plutôt Burgess, auteur du bouquin original] dans Orange Mécanique.

A l’origine — grand classique —, il s’agissait pourtant d’un programme de prévention, et non de répression. Il est né en Ecosse en 1995 sous le terme générique de « Family Intervention Projects » (FIP).

L’objectif de ces FIP a été complètement perverti par le gouvernement, indique Terri Dowty, directeur de l’association ARCH (Action on Rights for Children), également membre de l’Advisory Board de l’ONG Privacy International. Tout en confirmant les élucubrations du Sunday Express, il m’a envoyé ce témoignage que je reproduit avec son accord:

Les ‘Family Intervention Projects’ ont commencé il y a plus de 10 ans (lancés par l’association NCH qui se nomme Action for Children maintenant). C’était un programme basé sur le volontariat. Le but était d’aider des familles au bout du rouleau. Cela concernait des gens qui avaient été exclus à plusieurs reprises pour des abus de voisinage et risquaient de voir les services sociaux leur retirer la garde des enfants pour négligence.

Le projet initial  consistait en un immeuble pouvant accueillir 4 familles en même temps [et non 12, comme indiqué précédemment, NDR], avec une équipe d’éducateurs résidant sur place pour travailler de manière intensive avec les familles pour leur réapprendre à vivre avec d’autres personnes de manière constructive et à mieux structurer la vie de famille. J’étais pour ma part sceptique, au début, mais finalement les résultats étaient plutôt bons, et je dois dire que les responsables ont mis des années à persuader le gouvernement à les subventionner.

Ça me désespère de voir que Ed Balls ([ministre de l’Enfance et de la famille] veuille établir des objectifs chiffrés du nombre de famille impliquées dans ce type de programme. Ce devait être une exception, réservée à très peu de gens, comme une dernière chance après avoir épuisé toutes les autres solutions. Et il était impossible de prévoir combien auraient pu en bénéficier. Soudain, cela devient un moyen de coercition de l’autorité parentale…

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement détourne un projet d’envergure humaine en une détestable opération de propagande. Par exemple, à Leicester, une organisation locale, Parentline, menait à bien un projet de soutien et d’aide aux mères monoparentales qui n’avaient pas d’autre famille pour les supporter.  L’idée était de les accompagner dans cette phase difficile. Ça marchait très bien, et puis un jour Parentline a demandé des subventions afin d’élargir l’expérience à d’autres régions du pays. Après avoir reçu les fonds, ils ont été très déçus. Blair [alors Premier ministre] a fait un discours en liant leur projet et sa politique de lutte contre les «comportements antisociaux», tout en citant cette expérience comme un exemple d’action gouvernementale pour prévenir de «futures menaces sur la société». Les gens de Parentline en ont été horrifiés. Ils ont réfléchi quant à accepter ou non les subventions, finalement ils ont pris le risque — et aujourd’hui, toutes les personnes à l’origine de l’association n’en font plus partie…


Rudy, le jeune voyou cité dans les morceaux des Clash ou des Specials, n’a vraiment pas fini de morfler !
 




Uitgelicht: bron – Bron inzet: Wired

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